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  • Photo du rédacteurLéa Kant

Taglit-Birthright, un sionisme aveugle

Taglit Birthright, c'est l’organisation qui propose des voyages gratuits en Israël à des milliers de jeunes juifs venus du monde entier. Un séjour totalement pris en charge, guidé dont l'itinéraire est stratégiquement pensé.


J'y ai moi-même participé du haut de mes 16 ans. Ce voyage a profondément changé ma vie, et m'a inspirée d'un sionisme inédit et hautement structuré. Après ce séjour, la seule chose que je savais, c'est que je devais revenir. Et c'est d'ailleurs ce que j'ai fait. Entre temps, j'ai vécu à Beersheva, Jérusalem, Mitspe Ramon et Tel Aviv. J'ai travaillé, j'ai pleuré, j'ai voyagé, j'ai galéré, j'ai vu, j'ai entendu et j'ai surtout compris. J'ai fait l'Alyah, choisi de prendre la nationalité israélienne avec fierté, mais pas sans savoir. Depuis mes 16 ans, ma vision étriquée et aveugle du sionisme a évolué. Mon sionisme s'est re-construit au fil des années, nourri d'une désillusion agressive et d'un amour profond et sincère.


Taglit est un séjour qui promeut la passion d'Israël autour d'un narratif brillamment conçu pour aimer sans penser. C'est la création d'un sionisme aveugle et d'une identité juive une, linéaire et pauvre. C'est peut être aussi le résultat d'un mépris de la Galout, une diaspora juive diverse, fascinante, qui - lorsqu'elle monte vers Israël - amène avec elle ses systèmes de pensée et de valeurs.





Un danger pour l'Etat d'Israël ? Pourquoi chercher à harmoniser cette judéité plurielle autour du drapeau que nous aimons dans tous les cas ? Pourquoi ne pas laisser place au débat, la rencontre, et le propre du judaïsme: le libre arbitre ?


Seule, j'ai du apprendre à reconstruire mon sionisme et redéfinir ma judéité. Ceux que j'ai choisi de vivre aujourd'hui.


Durant un séjour Taglit, le participant verra tous les angles d'Israël que la Hasbara voudra bien lui laisser voir: Israël la start-up Nation, Israël à la pointe de la technologie, Israël combat le terrorisme, Israël et une histoire de milliers d'années.


Non pas que ce soit un mensonge. Israël est effectivement un leader mondial et reconnu en terme de technologie et de high-tech. Israël est un minuscule pays, forgé par une histoire ancienne des plus poignantes. C'est le pays des Kibboutzim et de la solidarité utopiste de socialistes qui ont construit le pays par la force de leur sueur, de leur détermination et de leur dur labeur. Israël, c'est ce village gaulois assiégé qui résiste encore et toujours à l'envahisseur, par la robustesse miraculeuse de son armée populaire ou sa potion magique divine...




Mais Israël c'est un tas d'autres choses, en 2018. Israël est un pays complexe, un Etat qui se droitise et dont la religion, définie uniquement par un rabbinat orthodoxe, occupe une place croissante dans le quotidien de ces habitants. C'est un pays où il n'est toujours pas autorisé de se marier civilement. C'est une économie qui fait la guerre et où "sécurité" est le mot d'ordre. Il faut penser à survivre avant de penser à vivre. Et qui osera songer autrement sera un traître à la Nation. En Israël, il faut travailler dur pour gagner son pain, oui car Israël n'est pas la France. Rappelons que le jeune Etat startupiste n'a que 70 ans, et qu'un Etat si jeune a forcément de nombreux défis économiques et sociaux à relever. En Israël, le racisme est latent, et ce même entre Juifs. Israël est effectivement la seule démocratie du Moyen-Orient, une démocratie fragile et abîmée, une démocratie en danger. Et qui dit Israël, dit évidemment Palestine. Un conflit que l'on fait semblant d'ignorer, pour le bonheur et la tranquillité de tous.


Ce sont des angles que Taglit se doit de montrer à ces jeunes juifs, qui comme moi, pourraient s'apprêter à faire l'Alyah. Car Israël pourrait profondément les décevoir une fois sur place. L'Israël des kibbutzim qui me faisait tant rêver n'est plus. Israël ce n'est pas 10 jours de vacances où tout est simple et sublimé. C'est l'Orient, c'est le bazar, ce sont des mots durs, ce sont les sirènes d'alertes, la guerre, cinquante heures de travail par semaine - au minimum. Et si une fois que les participants ont vu tout cela, ils souhaitent encore venir s'installer en Israël; Birthright pourra ainsi se pavaner d'avoir promu un sionisme honnête et éclairé.

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