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  • Photo du rédacteurLéa Kant

Notes bordéliques d'un voyage de la mémoire.

Note au lecteur


Ce qui suit, est un ensemble de notes prises au crayon gris, dans un cahier en mai 2015. Cinq jours en Pologne, dans le cadre d'un voyage de la mémoire accompagnée par l'UEJF. Un guide, non officiel, un historien, un survivant (Benjamin Orenstein), et d'autres jeunes comme moi. Nous ne le savions pas, nous nous apprêtions à devenir les témoins des témoins.



En cinq jours, j'ai écrit plus d'une centaine de pages manuscrites, et pour le moins bordéliques. Dans cet article, je relate les journées une à une, et ce que j'ai appris. Dans un autre article, je me concentrerai sur le témoignage bouleversant de Benjamin Orenstein.




  • Jour 1 : visite du quartier juif de Cracovie


Kazimierz. Dans ce quartier, rien n’a changé, il s’est simplement vidé de ses Juifs. Il n’y a aucune place mémorielle, aucun souvenir. Sur la place de la Grande Synagogue, qui est devenue un musée municipal, de nombreux restaurants casher et israéliens siègent. A un détail près, aucun de ces commerces n’est ni casher, ni israélien, ni même tenu par des Juifs.



Ils font même des erreurs en hébreu… De petites voiturettes proposent un tour guidé du quartier juif, de l’usine de Schindler, du Ghetto. La Shoah, la ghettoïsation de la population juive de Cracovie est devenue un commerce. A Cracovie, il n’y a pas eu de résistance.


Jour 2 : Visite de Auschwitz II – Birkenau


C’est le cinquième camp par lequel notre rescapé est passé sur sept.


Nous commençons notre parcours par la Judenrampe. Un vrai problème apparaît dès lors : on note que le périmètre délimité par l’UNESCO a été réduit, laissant donc place à des constructions résidentielles tout autour du site. C’est la France de Jacques Chirac en 2005 qui a financé et inauguré la Judenrampe. Là bas se déroulait la première sélection qui envoyait des milliers de personnes à la mort en camion, avant même qu’ils aient le temps d’être matriculés. Quelques ruines sont toujours présentes, celles d’un baraquement qui servait de réserve de pommes de terre pour l’hiver.





Sur le chemin de la Judenrampe à l’entrée du camp, il est déplorable de voir des habitations sur les rails qui emmenaient au camp. Visiblement, cela n’a l’air de déranger personne. Certains polonais étaient même venus récupérer les briques des baraques du camp pour construire leur propre maison mais aussi voler les biens des Juifs. On sait même que les quelques juifs polonais survivants qui sont rentrés chez eux après la guerre ont été massacrés par les gens de leur village, de peur que les Juifs survivants demandent à récupérer leurs biens, que leurs voisins s’étaient fait un plaisir de voler…



Arrivée sur le camp : témoignage de Benjamin.


Alors que train s’arrête en pleine nuit à Birkenau, le groupe de détenus de 250 personnes entend des aboiements de chiens, des cris, des sifflements, les SS arrivent. En ouvrant les portes, après 13h de voyage, tous tombaient les uns sur les autres, assommés par la fatigue. Ils étaient aveuglés par les projecteurs, Benjamin n’a rien vu. Quand le jour se lève sur le camp ; il est choquée du gigantisme du lieu, Birkenau fait 72 hectares. Une voix dit alors « où sont le reste ? ». Ils étaient déjà gazés. Lorsque les SS demandent l’âge d’un détenu, il faut au moins avoir 15 ans, en deça de cet âge, on va directement à la mort. Au loin, il voyait la fumée qui sortait des cheminées des crématoires. Il faut également préciser qu’en tant que Juif Polonais, il savait très bien ce qu’il attendait à Auschwitz car les polonais savent ce que Auschwitz signifie, pas les français ou les autres. L’odeur était atroce, ce camp respirait la mort, les SS restaient paradoxalement très polis, dans un but précis : celui de ne pas semer la panique et donc faciliter le processus de mise à mort.



Aussi, les familles n’étaient pas séparées, de ce fait il n’y a pas eu de révolte, mais il faut aussi ajouter que les détenus arrivaient déjà à moitié mort, comment était-il possible de se révolter dans un tel état physique ? C’est une stratégie, un système brillant, et hélas très humain. Les nazis ne sont pas des barbares. Car les barbares ne font pas de fiches. Le cœur de la Shoah c’est bien la sélection, les objectifs principaux à Birkenau sont de tuer le plus, en un minimum de temps et sans problème. En effet, on remarque que seulement moins de 20% des personnes qui rentrent dans le camp voient les baraquements… les autres sont directement assassinés. C’est de loin le lieu le plus déshumanisant que Benjamin Orenstein ait connu. C’est un camp au-dessus duquel aucun oiseau ne volait, un camp dont les odeurs de chair humaine étaient insupportables, ce camp où les hommes devenaient moins que des animaux, des « non-êtres ».



Après avoir longé le Camp des Tsiganes qui avaient été exterminés deux jours avant son arrivée, ils arrivent vers un ensemble de baraques que les détenus appellaient « Canada ». Canada car ces baraquements regorgeaient de tout ce qui avait été pris aux détenus, tous les bagages y étaient déposés, cela représentait donc la richesse. On y trouvait valises, casseroles, lunettes, vêtements, bijoux etc… Hommes et femmes sont bien entendus séparés. Mais il y a quelque chose à retenir, c’est que les Nazis cherchaient à tout garder secret, d’où leur grande politesse. Néanmoins, étant donné que ce génocide est un crime d’Etat organisé, structuré, les Nazis documentaient tous leurs faits et gestes. C’est pourquoi il y avait à Birkenau des photographes nazis attitrés, c’est de là que nous viennent toutes les images : les SS voulaient montrer le bon travail qu’ils faisaient à Himmler.



Les familles arrivaient avec toutes leurs affaires, leurs casseroles, leurs biens, ils pensaient arriver ici pour travailler, et ne savaient qu’ils seraient morts l’heure d’après leur arrivée. En réalité, celui qui arrive à Birkenau est déjà à mort. Les SS s’amusaient même en parlant de « cadavres en vacances ». Quand les femmes étaient jeunes, on prenait leurs enfants et les donnaient aux grands-mères qui partaient alors à la mort. Certaines de ces mères se sont suicidées sur le camp. Ils pensaient prendre une douche lorsqu’ils rentrent dans les chambres à gaz. Les Nazis transportaient le Zyclon B dans des camions sur les toits desquels était dessinée la croix rouge afin qu’ils ne soient pas bombardés. Pourtant, lorsque les détenus entrent dans les chambres on rapporte que certains chantaient « Shéma Israël », comme s’ils savaient que la mort approchait.



Des commandos juifs étaient chargés de sortir les corps des chambres à gaz, pour ensuite les brûler, néanmoins on renouvelait souvent ces commandos pour qu’il n’y ait pas trop de témoins de l’extermination. C’était donc aux Juifs de faire en plus le sale boulot. Il y avait 15 fours par crématoire, ce site était une vraie machine à tuer. On entassait plus de 1500 personnes par chambre à gaz. Il y avait également des fosses communes. Les femmes depuis leurs baraquements voyaient beaucoup de choses…



David Holler a dessiné l’entrée des crématoires, d’une plume très précise. Après chaque gazage, il fallait repeindre les salles car le gaz montait… Dans les chambres à gaz, il y a des portes métalisées différentes des autres portes, et de grandes colonnes, celles là même qui diffusaient le zyclon B. Le zyclon B donnait une mort lente : 10 à 20 minutes. Après l’extraction des corps, les commandos juifs coupaient les cheveux et arrachaient les dents en or des cadavres. A Sobibor et Treblinka, c’est avant la mort que l’on coupe les cheveux et arrache les dents, car là-bas, il n’y a même pas de sélection.



Sur ce camp il y avait aussi un hôpital, et un terrain de foot. Quelle ironie.





Benjamin Orenstein a commencé à témoigner dans les années 1990 seulement. Pour lui, il était hors de question de remettre les pieds sur cette terre maudite pour les juifs. La Pologne est le le plus grand cimetière de Juifs au Monde.



Dans les baraques maintenant, on observe des latrines, de simples trous dans une dalle de béton, c’est une déshumanisation des plus totales, une humiliation immense. Benjamin Orenstein raconte également qu’il fallait être à l’heure à l’appel, sous peine de mort. Il ajoute aussi que les fumeurs échangeaient leur soupe contre du tabac, les fumeurs étaient donc ceux qui vivaient le moins longtemps. Certains commandos nettoyaient les latrines avec une louche pour un litre de soupe…




Les baraques étaient soit disant chauffées, mais le comble, s’indigne Benjamin, c’est qu’alors qu’il travaillait dans les mines de charbon, ils n’avaient même pas de chauffage dans les baraques. Il y avait deux robinets, pour que les détenus se débarbouillent. Leur habit était ridicule : des sabots en bois et un pyjama rayé, pas de pull ou de couvertures à Birkenau. Lorsque Benjamin se rend sur ce lieu, il voit encore les visages… Lorsque les détenus avaient du temps libre, ils utilisaient ce temps pour chercher de la nourriture, ils discutaient aussi entre détenus et souvent se disaient qu’au moins, ceux qui sont morts dès leur entrée dans le camp n’ont pas eu à vivre cette souffrance : la faim, la soif, la peur…



Benjamin n’est resté que six jours à Auschwitz II, pourtant cela lui a paru être un siècle tant la vie y était insupportable. Tout était prétexte à la mort, la violence était des plus extrêmes. Il a finalement était amené à Auschwitz III, c’était en août 1944.



On remarque aussi que l’ancienne tour de commandements des SS est aujourd’hui devenue une Eglise. C’est une provocation et une insulte d’une virulence extrême pour les victimes des camps, et les survivants comme Benjamin qui sont forcés de voir cela. On observe aussi que sur la partie du camp dite « Mexico », des maisons sont sagement installées. Etant donné que cette partie du camp ne rentrait pas dans le périmètre de l’UNESCO, des logements peuvent y être construits.



La dernière zone avec les crématoires se trouvait l’hôpital du camp, chaque baraque avait une spécialisation d’expérimentation : stérilisation des hommes, expérimentation sur les jumeaux, salles d’autopsie etc. Ces baraques sont les anti-chambres de la mort. Un médecin juif qui restera célèbre c’est Felix Kersten, qui a soigné Himmler, un livre lui a été consacré « Les mains du Miracle ». La normalité à Birkenau, c’était la mort anonyme : tu viens, tu meurs, et tu n’en as même pas conscience. Souvent les détenus se disaient « ma mère est morte avant, heureusement ». De nombreux enfants sont nés sur les camps également… Les tziganes protégeaient particulièrement leurs enfants, dans leur baraque, ils restaient en famille.




Problématique mémorielle: Marcello déplore les visites qu’il décrit comme des « éjaculations précoces » des camps. La plupart des « touristes », font Birkenau sans même savoir qu’il y a derrière les fosses communes, la Sauna, et d’autres crématoires. Selon lui, il faut toujours commencer par Birkenau, car il n’y a pas d’éclairage sur ce camp. « Ecoutez les oiseaux qui chantent » nous dit alors Marcello entre les arbres qui nous amènent aux crématoires.



Le Sauna, c’est la zone dans laquelle les détenus sont matriculés. Il est important de préciser que les tatouages sont une spécificité d’Auschwitz-Birkenau. On a tendance à voir le matricule comme un symbole de la déportation, or cette pratique ne se faisait qu’à Auschwitz, et pour des raisons purement pragmatiques et pratiques. Les hommes sont rangés 50 par 50. Benjamin Orenstein faisait partie de la cinquième « fournée ». Son groupe ne voyant pas les autres revenir pensait que cette fois ci, c’était fini, la mort les attendait. On les déshabillait, puis ont les rasait, ils longeaient alors un long couloir. Ensuite il passaient à la douche et la désinfection. Benjamin se rappelle qu’un de ses amis après avoir reçu une giclée du désinfectant a hurlé, pensant mourir. La panique qui animait cet homme est indescriptible tant la peur le paralysait. Il pensait que l’heure de sa fin était venue. Arrivés au douche, ils avaient la même peur, les Juifs polonais savaient que de fausses douches servaient à tuer, ils furent tous surpris de voir de l’eau couler des pommeaux. Enfin, on leur donnait leur uniforme et leurs sabots. Benjamin se rappelle qu’un Kapo leur a dit « ici vous n’êtes rien, même pas de la merde ». Ces mêmes kapos leur faisaient faire de la gymnastique punitive. Ils sont ensuite tatoués. « Je suis rentré j’étais Benjamin Orenstein, je suis devenu B4416 ». Benjamin nous dit aussi que si aujourd’hui, il plaisante autant, c’est par ce que l’humour est sa sous-pape. Venir visiter les camps l’affecte toujours autant, chaque fois qu’il y met les pieds.


On arrive enfin devant une fosse commune où 250 000 corps gisent, c’est le plus grand cimetière du monde, mais hélas, personne ne vient se recueillir ici. Nous avons donc fait une cérémonie, lu des poèmes et des chants, pour finir avec un Kaddish.


Jour 3 : Visite d’Auschwitz I (libération du camp le 27 janvier 1945)

A peine devant le camp, Benjamin s’exclame « ça me fait mal au cœur de voir qu’ils vivent si bien avec l’argent des Juifs ».


Le commandant du camp était Rudolf Heuss. Auschwitz faisait partie du territoire allemand pendant la guerre, ce camp était au centre de l’Europe, le réseau ferroviaire était très développé. Il est important de relater l’extrême complexité administrative qui divisait le gouvernement général de l’espace du IIIème Reich. Le camp d’Auschwitz était donc sur l’espace du IIIème Reich.


En 1940, c’était un camp de concentration seulement puis un camp de prisonnier de guerre soviétiques, enfin, il devint un camp d’extermination pour les juifs.



A l’entrée du camp, l’inscription « le travail rend libre » apparaît comme le leitmotiv des allemands, symbole des camps plein d’ironie. Il a été volé plusieurs fois, mais il faut dire que cette phrase se trouve à l’entrée de quasiment tous les camps de travail, cela n’a rien à voir avec la solution finale bien qu’on l’ait érigé comme un symbole du système concentrationnaire, ça n’en est pas un.



L’espace concentrationnaire est donc divisé en deux :


  • La concentration vers l’ouest

  • L’extermination vers l’est (+ Shoah par balles)

La sélection sur le camp se fait selon le besoin de main d’œuvre. Un orchestre jouait pour le plaisir des SS.


Le musée d’Auschwitz a été construit dans une logique idéologique staliniste en 1947, c’est pourquoi au début, on ne parle pas de l’extermination des Juifs mais des « martyrs polonais », on occulte une partie de l’histoire.


On observe dès l’entrée dans le musée un problème, lié aux chiffres. Ils sont énormes et sont donc déshumanisants. Il est crucial de redonner un visage, une identité à ces millions de personnes assassinées. Serge Karlsfeld a largement participé à la ré-humanisation de ces disparus puis qu’il a retrouvé les listes des français juifs déportés dans les différents convois. Il a redonné un nom, un visage à des hommes, femmes et enfants.


Anecdote de Benjamin : Les suisses ont été receleurs. La Shoah a été un grand business pour la suisse qui récupérait les dents et les bijoux en or, l’agissement de la suisse aurait prolongé la guerre de 6 mois à un an. Au vu de l’hécatombe possible en 6 mois, Benjamin regrette le nombre de vies que l’on aurait pu sauver (cf. La Suisse, l'or et les morts, Jean Ziegler). L’ironie du sort : ils tuaient les juifs et cela leur rapportait pour continuer la guerre !



Sur les pots de Zyclon B il est écrit en allemand le nom de la société qui le produit « Société allemande pour la destruction de la vermine » : c’était facile à utiliser et transporter. Ici aussi, le Zyclon B est considéré comme un symbole de la Shoah, or, ce gaz ne fut utilisé qu’à Auschwitz.



Le premier gazage a eu lieu en décembre 1941.



Dans un des blocs on peut voir des masses empilées de cheveux, de lunettes, des taliths, des peignes, des prothèses, de la vaisselle, des couverts, des valises, des habits d’enfants, des valises. Ces salles sont tout bonnement insupportables à la vue, elles rendent compte de l’atrocité et de l’énormité de cette mise à mort.





Dans le bloc 11 : il y avait des salles de gazage au sous-sol, les premières expérimentations. Ici, on tuait les faibles.



Bloc 20 : Les français à Auschwitz.



La plupart des convois français venaient à Auschwitz. La moitié des Juifs français ont été gazés.


Klaus Barbie était surnommé « le boucher de Lyon », le nazi a été condamné pour crime contre l’humanité à Lyon en 1987, il était responsable de la déportation des enfants d’Izieu.



Le premier convoi français date du 27 mars 1942 , mais le pic de déportation de français eu lieu lors de la rafle du Vel d’Hiv (juillet 42). Entre juin et novembre 42, 42 000 personnes ont été déportées. La plupart des convois partaient en direction d’Auschwitz, cependant, les convois 50, 51 et 52 sont partis à Sobibor (extermination directe). Ces convois concernaient particulièrement les Juifs de Marseille, il n’y aucun survivant, il n’y a eu aucune sélection, tous sont morts.



En 43, la déportation décélère pour reprendre de plus belle en 44 : entre janvier et aout : 15000 déportés.


Le dernier convoi part le 17 aout 44, dans ce convoi était Marcel Dassault qui a survécu à Buchenwald. Il s’est converti au catholicisme en 1950.



En France l’antisémitisme était un antisémitisme xénophobe, Vichy n’a jamais rien fait pour empêcher la déportation, bien au contraire : est révolu le temps où l’on s’acharnait à croire que la France était résistante. On admet aujourd’hui que Vichy était un régime de collaboration qui a activement participé à la déportation de ces juifs, qui a mis en place des lois antisémites et discriminatoires à l’égard de ses Juifs. Les lois de Vichy étaient également appliquées en Zone Libre et dans les colonies. La Tunisie a été occupée 6 mois par les Allemands, les Juifs de Tunisie ont connu une amorce de déportation.



Le bloc des Roms


Le sort qui est réservé aux tziganes est très différent selon les pays. Ils sont considérés comme un fléau social. On commence à interner les tziganes de Berlin, on les enferme dans des camps de concentration. Le Dr Ritter, anthropologue racial a identifié un « type tzigane »; Himmler était totalement fasciné par les Tziganes. Ils ont ensuite été enfermés dans les baraques de Birkenau. Les seuls tziganes qui ont été déportés sont ceux du Reich, de l’espace allemand. Sous le régime de Vichy en France, les tziganes ont été internés, mais leur sort importait peu, ils ont été libérés. Les tziganes du Reich ont été victimes de stérilisation systématique visant à détruire ce groupe : c’est en ce sens qu’on peut parler d’un génocide. On comprend donc que deux politiques différentes ont été menées, elles sont donc à dissocier : un génocide juif, et un génocide tzigane, dont les processus sont totalement différents.



La journée s'achève bientôt, il est temps de quitter Auschwitz. Une guide, qui reconnaît Benjamin Orenstein lui demande : « Comment allez-vous ? » il répond « Je suis vivant ».



  • Jour 4 – Musée Juif de Varsovie

Au 16è s, la Pologne est décrite comme le paradis des juifs. Au 17è commencent les vagues de pogroms. Jusqu’à la 2GM, la Pologne était le pays qui avait le plus de juifs.



Un certain nombre de légendes urbaines voient le jour comme celle qui consiste à penser que les Juifs kidnappaient les enfants catholiques et les tuaient, avec leur sang, il faisait donc de la matsah !



Les premiers juifs qui sont arrivés à Kazimierz venaient d’Allemagne en 1495.



La « Charte de Kalisz », ou plus précisément la « Charte générale des libertés juives », connue aussi sous le nom de « Statut de Kalisz » a été publiée par le duc de la Grande-Pologne, Boleslas le Pieux le 8 septembre 1264 à Kalisz. Cette charte servira à définir la position des Juifs en Pologne et conduira à la création de la Nation juive autonome de langue yiddish qui perdura jusqu'en 1795. Cette charte octroie la juridiction exclusive d'une cour juive pour les affaires juives et établit un tribunal séparé pour les affaires impliquant des Juifs et des Chrétiens.



Le ghetto de Varsovie contenait 400 000 Juifs en octobre 1940. C’est le ghetto le plus emblématique, aujourd’hui, il ne reste plus qu’un pan du mur dans la ville, tout a été détruit. Le plus ironique c’est que c’était aux juifs de payer le mur du ghetto, c’était donc à eux de financer leur enfermement. La mortalité était très élevée dans le ghetto. Il y a eu autant de morts dans le ghetto qu’en France durant toute la guerre. La superficie du ghetto a été réduite au fur et à mesure.



Réflexion sur le Ghetto : création improvisée ou étape pensée de la solution finale ? Il y a de nombreux débats historiographiques sur la question, quelle est la place des ghettos dans la solution finale ? La nourriture y était insuffisante, il n’y avait aucun droit de déplacement. Dès octobre 41 : toute personne non-juive aidant un juif est passible d’une peine de mort (décision de Hans Frank). La déportation des Juifs d’Allemagne commence vers les ghettos en Pologne. Ensuite on glisse vers une politique d’assassinat systémique.


Décembre 1941 : premier gazage dans les camions. Début 42 : 80% des victimes de la Shoah était encore en vie, alors qu’en 43 on assiste à un réel renversement à mise en œuvre de la solution finale rapide. L’année 42 fut donc l’année la plus meurtrière : la moitié des victimes ont été tuées en un an.



« Ne nous laissons pas conduire comme des moutons à l’abattoir ! » Livre d’Isaïe.



  • Jour 5 – Centre de mise à mort: Treblinka

Ce qui m'a dérouté ce jour ci, c'est l'absence. Le silence. Presque la morbide beauté de cette forêt.



Le camp a ouvert en 1941 d’abord comme camp de travail, mais devient moins d’un an plus tard un lieu d’assassinat systématique et ordonné.



Aujourd’hui, on ne dit plus « camp d’extermination » pour parler de Treblinka. Car le mot camp implique la présence de baraques, de détenus qui restent. Or, à Treblinka, on ne reste pas, c’est une machine à tuer, un lieu d’assassinat (killing center) que l’on traduirait en français comme un simple abattoir. C’est un lieu étroit dont on ne sort pas.



Les Nazis ont choisi ce lieu car il est proche de Varsovie (à 80km seulement) mais au beau milieu de nulle part.


Les condamnés arrivaient en train: toute une mise en scène avait été habilement montée pour laisser penser aux Juifs qui arrivaient qu’ils n’iraient pas vers la mort. La plupart des Juifs du Ghetto de Varsovie y ont péri. Les convois de Varsovie comptaient environ 60 wagons, ils étaient poussés vers le centre de mise à mort. On mettait en place un semblant de gare factice pour n’éveiller aucun soupçon et éviter les révoltes.





A ce sujet, Benjamin nous raconte qu’en novembre 43, alors qu’il apprenait la mort de ses frères, il voit s’arrêter un train de voyageurs près du camp dans lequel il travaille. Hommes et femmes sont élégamment vêtus, riches. Ces personnes se revendiquent Juifs Allemands, tous ingénieurs venus avec leurs famille. « Les allemands ont besoin de nous dans leur grande usine de Treblinka » dit l’homme avec fierté. S’ils savaient. Benjamin tenta de leur expliquer ce qui les attendait là bas, mais ces juifs n’en crurent pas un mot, les Juifs allemands avaient été si bien conditionnés et persuadés de leur importance pour l’avenir de la Grande Allemagne qu’ils traitèrent avec mépris et condescendance les Juifs polonais. Il faut dire que les Allemands jouissaient de ce genre de mise en scène à vomir.



Treblinka voit le jour dans le cadre de l'Aktion Reinhardt. C’est un lieu conçu exclusivement pour l’assassinat, il n’y a pas de baraques pour les juifs, seulement des baraques pour se déshabiller, pour dépouiller les Juifs puis les gazer et les brûler. Sur le camp il y avait une trentaine de SS et une centaine de supplétifs ukrainiens. Il y avait deux baraques de déshabillages pour récupérer les bagages et affaires des victimes. Les vieux et malades sont directement amenés à « l’infirmerie » et sont fusillés, sans autre forme de procès. Les autres sont emmenés dans un endroit où ils sont battus, les SS arrêtent de jouer la comédie lorsque les victimes sont nues.



2 bâtiments de chambre à gaz sont alimentés par du monoxyde de carbone. Les cheveux des femmes étaient coupés avant le gazage (cf film de lanzmann, Abraham Bomba le coiffeur de Treblinka qui avait été choisi pour couper les cheveux des femmes avant la mort). Ensuite, les cadavres sont jetés dans des fosses. Mais l’été 42, Himmler vient visiter le camp et demande à ce qu’on brûle les corps. Les SS essaient différentes techniques : on construit des espèces de bûchers pour incinérer les corps. Il faut repréciser que les fours crématoires étaient une spécificité d’Auschwitz.



Des juifs de Macédoine sont également amenés en un convoi à Treblinka (8000-9000) ils ont tous été tués : on peut dire que les nazis sont parvenus à détruire une culture entière.



Le 2 aout 1943 a eu lieu une révolte à Treblinka, c’est Samuel Willenberg qui en témoigne, un des rares rescapés sur 40-50 personnes. Une équipe de prisonniers était responsable du tri et de la fonte de l’or pour envoyer le tout à Berlin. C’est en 1943 que les prisonniers se soulèvent et brûlent des baraquements avant de s’enfuir dans la forêt : 40 à 50 se sont échappés de l'enfer. Après la révolte on a eu peu de témoignages… Samuel Willenberg a également dessiné le camp.



Le SS Franz Stangl commandant du camp de Treblinka et de Sobibor a été arrêté et condamné dans les années 1960 au Brésil.



Alors qu’en décembre 1941 ont lieu les premiers gazages massifs, Heinrich annonce qu’il faut tuer 11 millions de personnes : les juifs du gouvernement général sont les premiers concernés.



On met donc en place trois centres de mise à mort dans le gouvernement général :


  • Belzec (mars 42-dec 42) : 500 000 victimes

  • Sobibor (mai 42 – été 43) 200 000 victimes

  • Treblinka : 850 000 victimes

Le mot « hitlérien » est un mot typiquement utilisés par les communistes/soviétiques qui ne veulent pas dire « national socialiste », il en est de même pour les communistes français à hypocrisie. A Treblinka, le mot Juif est marqué, on ne nie pas l’identité juive des victimes alors qu’à Birkenau c’est occulté. Après la guerre, les Soviétiques voulaient un lieu de martyrs pour les polonais (Auschwitz) et un lieu de martyr juif (Treblinka) à lol.





Janusz Korczak est mort à Treblinka, c’est la seule personne qui ait une stèle en son nom. Il a été déporté en août 42: il a choisi délibérément d'être déporté vers Treblinka avec les enfants juifs du ghetto de Varsovie dont il s'occupait dans un orphelinat. Il était écrivain et grand pédagogue, il a tenu un journal dans le ghetto de Varsovie, il place l’enfant au cœur de son travail.



Aujourd’hui, il n’y a plus rien à Treblinka. Les nazis, pour ne laisser aucune trace, ont planté une forêt de pins. En effet, le site y a été progressivement démantelé et abandonné par les SS, l’armée rouge est arrivée en août 1944. Ce lieu n’était pas fait pour durer : il a tué pendant un an plus de 850 000 personnes. « L’usine à supplice a fonctionné 13 mois ». Ce bout de terrain a engloutit plus de vies humaines que les mers et les océans. L’action d’effacement des traces de l’opération Reinhardt est connue sous le nom de « Aktion 1005 ». Cette opération a été ordonnée par Himmler en 1942.



La question qui peut se poser alors est : pourquoi les allemands auraient ils voulu effacer les traces de ce camp s’ils pensaient gagner la guerre ? La justification est en réalité de nature sanitaire… L’accumulation de corps renvoyait une odeur nauséabonde et invivable. Aussi, les SS pensaient que l’assassinat des Juifs était une nécessité historique mais ils considéraient que la population allemande n’était pas encore prête. On note ainsi une réelle volonté d’effacer la mémoire même des Juifs, de leur passage sur terre : tout devait disparaître, même le souvenir de l’existence de cette population.



Conclusion de ces cinq jours en Pologne



Le propre d’un Génocide c’est le crime d’Etat, c'est lorsque que l’on produit des documents, des fiches, et lorsqu’il n’y a plus de vivants pour enterrer les morts. C’est exactement ce que l’on peut observer en Pologne. Il est important de préciser que la forte centralisation étatique française et son efficacité ont été mis au service de la solution finale. On note en effet des mesures de persécutions superposées : celles des Allemands et celles de Vichy. Il est donc important de comprendre que la Shoah n’est pas un crime barbare, car les barbares ne font pas de fiches. Il est important d’essayer de comprendre le processus qui a amené de la haine, à l’acte d’assassiner. A ce propos, aujourd’hui, des fonctionnaires publics viennent visiter ce lieu dans le but de leur montrer que ce sont des hommes comme eux qui ont fait ce travail de documentation, ces fiches, ils doivent pouvoir dire non si on leur demande de le faire.



Il faut casser les chiffres, les cadavres empêchent de penser. Ce qui est le plus criant en réalité, c’est l’absence. Derrière les chiffres il y’a des gens. La salle des portraits du mémorial de la Shoah va à l’encontre du processus génocidaire, le fait qu'une personne puisse nous raconter l’histoire de ces visages plaqués sur les murs, est bien la preuve de l’échec des nazis, ils n’ont pas réussi à exterminer une culture entière, à déshumaniser ces enfants.



En Pologne, 3 000 000 de Juifs ont été assassinés, ce qui représente la moitié des morts juifs de la Shoah, l’absence est partout.


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