Léa Kant
hébron: micro cosmos
Dernière mise à jour : 19 déc. 2021
écrit en 2017
Des enfants palestiniens qui sourient, sur leurs petits vélos.
Des enfants israéliens qui dansent devant l'entrée du tombeau.
Des soldats qui veillent, épuisés, méfiants à ce que le calme règne.

Ce lieu est sordide.
Cette ville ne ressemble à nulle autre. Des deux cotés. Oui, car Hébron est cette ville symptomatique d'un conflit sans fin, un conflit que l'on aime nommer "israélo-palestinien". Hébron est le symptôme de ce "nous" contre "eux", ces ennemis qui ne savent pas vivre-ensemble, et qui pourtant se ressemblent sur de nombreux aspects.

Hébron est le théâtre de cette tragédie, d'une fracture qui semble aujourd'hui irréparable.
Ce que j'ai observé là bas ?
La mort, l'inquiétude, la peur, la méfiance, la précarité, la saleté, la sécurité exacerbée.
Mais également l'espoir, et cette étrange envie de faire découvrir aux nouveaux venus *leur* ville - celle qu'ils chérissent, celle qu'ils adorent détester, celle qu'ils ne quitteraient pour rien au monde.
J'aime sa pierre et ses murs, aux couleurs d'une Jérusalem qui se meurt. J'aime l'odeur de ses épices et de son café noir.
J'aime moins les regards, les coups de feux. Tantôt des entraînements, tantôt des affrontements. Et parfois même des feux d'artifices.
Ce feu d'artifice habille la joie des rues palestiniennes. Ce même jour, ils ont remporté une victoire diplomatique.

Hébron, sa vieille ville et ses lieux saints, sont désormais classés au patrimoine mondial palestinien par l'Unesco.
Une décision grave, qui renie le caractère également juif de ces lieux. Mais bien au delà, qui participe à attiser ce feu, qui n'est jamais vraiment éteint.
Une décision qui causera, j'en suis sûre, un retour de flammes dangereux.
Seul la sagesse d'un Salomon pourrait aujourd'hui trancher et départager ses deux mères qui se battent pour ce même enfant.
C'est fou ce que l'amour peut causer.

C'est ici que gît la dépouille d'Abraham. Le père. Son fils, Isaac. Son petit-fils Jacob. Sarah, Léa et Rébecca à leurs côtés.
C'est en tout cas ce que raconte la légende.
Le lieu est hautement sacré pour les juifs. Certains résidents de Hébron m'ont confié qu'il était même plus puissant que le mur occidental. Pour la faire simple, le tombeau des patriarches c'est la 4G de la connexion avec Dieu.
Personnellement, j'y ai ressenti une étrange spiritualité morbide.
Alors c'est donc pour cela que des gens perdent la vie ? C'est un bel endroit, calme, historique, empreint d'une spiritualité sans pareille. C'est un lieu qui prend les tripes. Mais se battre inlassablement en son nom n'est pas viable.
Que dirait Abraham s'il voyait ses fils se déchirer éternellement sur sa tombe ?
Bienvenue à Hébron, le microcosme d'un conflit sans nom.
